Les Maréchaux d'Empire

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Grandes figures certes, nobles figures? on peut se montrer plus réservé à quelques exceptions près, chacun conservant sa liberté d'opinion sur les maréchaux qui lui semblent mériter un jugement favorable

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le maréchalat ne correspond pas à un grade mais à une dignité; c'est également une distinction dans l'armée, la seule avec celle de "soldat de lère classe".

Napoléon I a élevé à cette dignité vingt-six maréchaux, dont un polonais, Joseph, Prince PONIATOWSKI, et ceci en sept promotions.

Un premier tableau énumérera donc ces promotions, étant précisé que lors de la première, le 19 Mai 1804, quatre hommes furent distingués parce qu'ils avaient commandé en chef, KELLERMANN, LEFEBVRE, PERIGNON et SERURIER; peut-être peut-on dire qu'ils furent maréchaux honoris causa. A titre corollaire, il a semblé intéressant d'indiquer, après un classement par date de naissance, l'âge auquel les vingt-six maréchaux accédèrent au maréchalat, ainsi que leur longévité et leur destin.

Il a paru utile également, au regard d'une idée reçue, de définir dans une deuxième partie l'origine sociale des maréchaux, avec en complément leur provenance géographique, et d'ajouter quelques jugements de divers auteurs à leur propos.

Les titres nobiliaires que tous reçurent, sauf BRUNE et JOURDAN (et bien entendu le Prince Polonais PONIATOWSKI), ont été ensuite rappelés.

Une quatrième division devrait permettre de raviver les souvenirs sur les uniformes spéciaux que portèrent certains maréchaux et il a été indiqué en appendice la plupart des décorations qui furent décernées à certains d'entre eux.

Là encore, il eut été impudent de prétendre apporter des éléments nouveaux; en revanche, il a semblé constructif de tenter de déterminer la situation des futurs maréchaux au moment de la Révolution Française, ne serait ce, au-delà de toute considération intellectuelle, que pour servir de conclusion avec un retour dans le passé d'hommes au destin hors du commun.

I - LES SEPT PROMOTIONS DE MARECHAUX.

a) Classement par rang d'âge

b) Age d'accession à la dignité de Maréchal

Le plus jeune Maréchal a été DAVOUT à 34 ans.
Viennent ensuite LANNES, MARMONT, NEY et SOULT à 35 ans, MORTIER à 36 ans, MURAT et BESSIERES à 37 ans.
BERNADOTTE, BRUNE et SUCHET ont été Maréchaux à 41 ans, JOURDAN, OUDINOT et PERRIN à 42 ans, MAC-DONALD à 43 ans, AUGEREAU et MASSENA à 46 ans, GOUVION SAINT CYR et GROUCHY à 48 ans, LEFEBVRE à 49 ans.
A 50 ans ont été nommés BERTHIER, MONCEY, PERIGNON et PONIATOWSKI, SERURIER a été nommé à 61 ans et KELLERMANN à 69 ans.

c) Leur destin

Selon SIX, BERNADOTTE et GOUVION SAINT CYR moururent d'apo-plexie, AUGEREAU, DAVOUT et MASSENA de maladie pulmonaire.
Certains connurent une belle longévité : MONCEY mourut à 87 ans, KELLERMANN à 85, SOULT à 82 ans, BERNADOTTE à 81, GROUCHY et OUDINOT à 80. MARMONT fut le survivant des Maréchaux d'Empire, il mourut à 87 ans, quelques mois après que le Prince-Président fut devenu Napoléon III.

Huit eurent une fin tragique.
Trois moururent au combat, LANNES mortellement blessé par un boulet le 22 Mai 1809 à Essling, BESSIERES tué net, lui aussi par un boulet, le ler Mai 1813 à Rippach, et PONIATOWSKI, atteint de deux balles et noyé dans l'Elster le 19 Octobre 1813, trois jours après avoir reçu son bâton de Maréchal.
Deux furent fusillés, MURAT le 13 Octobre 1815 au Pirro, par ses anciens sujets Napolitains, NEY le 7 Décembre 1815 par un peloton d'exécution de soldats français.
BRUNE et MORTIER furent assassinés. Le premier, bourgeois devenu sans-culotte, périt à Avignon, lynché par la populace le 2 Août 1815 et son cadavre jeté au Rhône fut longuement criblé de balles. MOR-TIER fut tué par la machine infernale de FIESCHI le 28 Juillet 1835 lors de l'attentat contre Louis-Philippe.
La mort de BERTHIER, le ler Juin 1815, n'a jamais été pleinement élucidée; il tomba d'une fenêtre de son palais de BAMBERG, acci-dent ? suicide ? Certains pensent qu'il fut jeté dans le vide par une bande de mystérieux agresseurs.

On se souvient de LEFEBVRE disant de son fils "Coco" qui devait décéder comme Général des suites de blessures reçues à Vilna "J'ai peur qu'il ne meure pas bien". Ces Maréchaux d'Empire surent bien mourir.

II - ORIGINE SOCIALE ET GEOGRAPHIQUE DES MARECHAUX

a) Leurs origines sociales

Certaines ne sont pas nettement établies, mais l'on doit souligner que les Maréchaux du Premier Empire n'étaient pas uniquement des sabreurs de basse extraction comme on le croit trop souvent.

b) Leur région d'origine

En schématisant on peut distinguer cinq zones, la Pologne de PONIATOWSKI mise à part.

On trouvera ci-après, pour les curieux, un tableau plus détaillé des origines sociales et géographiques, avec quelques imprécisions imputables à une documentation insuffisamment approfondie.

c) Jugements sur les Maréchaux

"Les déprédateurs intrépides"

C'est ainsi que Napoléon baptisa BRUNE mais le vocable convient parfaitement à bien d'autres. CHARDIGNY, dans son précieux "Maréchaux de Napoléon", évoque également ce maréchal: "Ses soldats, honnêtes le jour, volaient à la brune...".

Chacun connaît les fourgons d'AUGEREAU, mais le brigand savait se montrer grand seigneur avec ses camarades, tandis que MASSENA, tout aussi rapace fut d'une sordide avarice, "Voleur comme une pie, toujours de moitié avec les fournisseurs..." selon LUCAS-DUBRETON. "Il en avait tellement pris l'habitude qu'il ne pouvait s'empêcher de piller" (Napoléon).

MARMONT, BERNADOTTE n'eurent rien à leur envier, pas plus que LANNES ou SOULT "le plus pillard d'entre eux" selon Napoleon. Que dire de VICTOR... qui était déjà un nom d'emprunt, duc de Bellune donc naturellement surnommé Belle-Lune par ses troupiers, mais aussi Grippe-Soleil car rien de ce qui brillait n'échappait à son avidité.

Certains toutefois furent honnêtes, BESSIERES qui était une belle âme, JOURDAN, SUCHET, MAC DONALD, SERURIER.

Ayant évoqué les sobriquets de PERRIN, dit VICTOR, on peut citer ici quelques surnoms et d'autres jugements sur les Maréchaux.

Napoléon, qui fut un homme de style, eut souvent des mots cruels envers eux. A tout seigneur, tout honneur, son major-général supporta plus que des algarades, n'eut été qu'en raison de ses liens avec la grosse Visconti. L'Empereur devait d'ailleurs dire de BERTHIER, ce petit bonhomme qui se rongeait les ongles "un oison dont j'ai fait une espèce d'aigle...".

On trouve dans le Mémorial quelques jugements lapidaires sur ses cou-sins, où il remet d'un mot à leur juste place deux des plus célèbres, MURAT et NEY, en écrivant "lis n'avaient pas de tête".

On note, en revanche, des appréciations élogieuses sous sa plume envers des méconnus de l'Histoire comme MAC DONALD "d'une grande loyau-té", MONCEY "honnête homme" ou SUCHET "Son caractère et son esprit s'étaient accrus à surprendre" (encore que ce dernier jugement ait un effet boomerang), SOULT, "Premier manœuvrier de l'Europe".

Rares furent ceux qui aimèrent vraiment l'empereur. Dès le 18 Bru-maire, BERNADOTTE, qui le jalousa toujours, AUGEREAU et JOUR-DAN, qui voyaient en lui un jeune loup, étaient prêts à l'arrêter si MURAT et LEFEBVRE, et Lucien dans un autre registre, n'étaient pas intervenus avec l'énergie que l'on sait au Conseil des Cinq Cents.

KELLERMANN, ex-mestre de camp de Colonel-Général, ne pouvait avoir grande considération pour le chat botté de Joséphine et des athées comme LANNES ou OUDINOT admirent mal son action dans le rétablis-sement du culte et le Concordat.

Pour le Général, baron Thiébault, le premier de tous les maréchaux était MASSENA, puis GOUVION SAINT-CYR comme tacticien. Il plaçait en troisième position KELLERMANN en raison de Valmy, puis JOURDAN vainqueur de Wattignies et Fleurus. LANNES, homme d'inspiration venait en cinquième rang, suivi de BERNADOTTE et SUCHET pour la capacité, NEY, la vigueur, MURAT, la vaillance étaient huitième et neuvième. Il eut volontiers ajouté VANDAMME comme dixième.

Il aurait accordé cette dignité à DUMOURIEZ, PICHEGRU et MOREAU s'ils étaient restés bons français, et la refusait (en oubliant MONCEY et PONIATOWSKI) aux autres maréchaux nommés par Napoléon.

Ceux qui en auraient été dignes selon divers avis autorisés

Ceux qui n'ont pas eu le temps de le devenir sous l'Empire

Ceux qui auraient pu ne pas l'être

Tous furent de brillants capitaines, de remarquables généraux de brigade ou de division, rares furent ceux de taille à commander en chef un armée.

Ainsi, BERTHIER, Chef d'Etat-Major exemplaire, ne sut qu'être le plus fidèle exécutant des ordres du Maitre.

AUGEREAU "dut tout ce qui suivit à sa magnifique action de Casti-glione"; "SERURIER, homme probe ne fut jamais très inspiré".

Napoléon disait d'ailleurs qu'il est rare et difficile de réunir toutes les qualités nécessaires à un grand général, car chez lui, l'esprit et le talent doit être en équilibre avec le caractère ou le courage. C'est ce qu'il appelait être carré, autant de base que de hauteur. Si le courage, continuait-il, était de beaucoup supérieur, le général entreprenait vicieusement au-delà de ses conceptions (c'est MURAT et NEY) et au contraire, il n'osait pas les accomplir, si son caractère ou son courage demeurait au-dessous de son esprit (AUGEREAU ?).

Il citait alors le Vice-Roi (Eugène), "chez lequel cet équilibre était le seul mérite, et suffisait néanmoins à en faire un homme très distingué".

Ainsi Napoléon ne fut, sans doute, rétrospectivement pas taché que la mort de KLEBER (le même jour que DESAIX) lui ait évité de l'in-clure dans la première promotion de Maréchaux, car "doué du plus grand talent, il n'est que l'homme du moment".

En revanche, il devait écrire: "Chez LANNES, le courage l'emportait d'abord sur l'esprit, mais, chez lui, l'esprit montait chaque jour pour se mettre en équilibre". Il jugeait de même SUCHET et devait dire de MASSENA "il ne possédait, cet équilibre, qu'au milieu du feu,... c'était alors un homme très supérieur".

III - TITRES NOBILLIAIRES DES MARECHAUX

IV - QUELQUES RAPPELS D'UNIFORMOLOGIE

Pour ceux, qui très légitimement, hésiteraient à entreprendre le marathon que représente la peinture de 26 Maréchaux de la même époque et redouteraient une apparente uniformité il convient de préciser qu'il existe néanmoins une assez grande variété, née du tempérament individualiste de ces chefs de guerre et fidèlement transposée dans la bonne série éditée par Men At Arms.

Ce ne sont pas là figurines de concours, mais elles sont très honnêtes et permettent de reconstituer un groupe satisfaisant, d'autant que tout personnage de la série peut être remplacé au gré du peintre par un autre 54 mm. (sauf MORTIER, évidemment, qui mesurait près de 2 mètres, ce qui à l'échelle exige une figurine de presque 60 mm).

Ainsi plus du tiers des Maréchaux peuvent être très personnalisés, la différentiation entre les autres étant très marquée dans la série de Men At Arms déjà citée, puisque SUCHET porte la cape, OUDINOT la redingote, d'autres sont en habit de Cour, ou au contraire en petite tenue.

La plupart des Colonels Généraux venant d'être cités, il convient pour être complet de nommer les Généraux qui portèrent ce titre Eugène de BEAUHARNAIS, aux chasseurs à cheval le ter Juillet 1804, JUNOT aux Hussards le 6 Juillet 1804, BARAGUEY D'HILLIERS le 6 Juin 1804 aux Dragons et NANSOUTY, son successeur le 14 Jan-vier 1813, BELLIARD aux Cuirassiers en 1812.

Les Colonels Généraux venaient au rang du protocole immédiatement après les Grands Dignitaires de l'Empire et sensiblement au même niveau que les Ministres; Grands Officiers de l'Empire, ils avaient le pas sur les Ducs (et sur les Grands Officiers de la Couronne, tel DUROC, Duc du Frioul, Grand Maréchal du Palais, ou CAULAINCOURT, Duc de Vicence, Grand Ecuyer).

A l'occasion de cette digression sur les titres, il convient de souligner que BRUNE et JOURDAN, seuls de tous les Maréchaux Français ne furent pas anoblis, le second qui eut le titre d'Inspecteur Général d'infanterie et de Cavalerie en 1800 fut toutefois nommé Comte, mais par Louis XVIII en 1816.

Parmi les titres spéciaux que portèrent certains, il faut citer celui de Grand Veneur de la Couronne que porta BERTHIER, (entre paren-thèses, le Major-Général fut un des mieux dotés et des plus décorés) et celui de Grand Amiral et de Prince de l'Empire accordé à MURAT le ler Février 1805 avant qu'il ne "passe Roi" selon l'expression des grognards.

Les figurinistes trouveront sans doute que ces quelques notes ne leur sont pas d'un grand secours, mais que dire de sensation-nel sur l'uniformologie des Maréchaux d'Empire... On a vu que BERTHIER était petit, KELLERMANN aussi qui se fardait et appliquait du rose sur ses joues; on connait les lorgnons de DAVOUT, sa calvitie (comme PERIGNON qui s'enorgueillissait d'une grande cicatrice sur son front dégarni) MASSENA était borgne depuis que l'empereur lui avait crevé un oeil à la chasse, mais en 54 mm. cette infirmité ne se traduit pas aisément... On sait que MORTIER était un géant, il faut ajouter qu'il était corpulent, moins que VICTOR toutefois, et que MURAT, BRUNE, AUGÉREAU et BESSIERES étaient également très grands.

Leurs décorations

V - CE QU'ILS ETAIENT LE 14 JUILLET 1789

La date, bien entendu, a été choisie arbitrairement; le fait historique est mineur, mais il est exemplaire d'une certaine mythologie de l'histoire car l'impact de cette journée d'émeute qui passa inaperçue de Louis XVI est resté dans la mémoire collective des nations.

Ici encore, les éléments recueillis restent vagues et pourront éventuel-lement faire l'objet de recherches personnelles.

Source

Cercle Histoire Et Figurines.